Mes articles en Français 2

Beaucoup de Français pensent qu’ils avaient beaucoup apporté au Việt Nam en 70 ans de présence (1884 traité Patenôtre – 1954-Accords de Genève). Qu’en était -il en réalité ?

Extraits de Việt Nam – L’histoire politique des deux guerres – Guerre d’indépendance (1858-1954) et guerre idéologique ou Nord-Sud (1945-1975), Nguyen Ngoc Chau, Editions Nombre 7, 2020, préfacé par l’historien Pierre Brocheux.

1.   La division en trois États

Dans son livre Histoire du Vietnam contemporain, la nation résiliente, Ed. Fayard, le professeur Pierre Brocheux explique les possibles raisons de la division du Việt Nam en trois entités. Il cite l’extrait suivant de “Note sur la répartition de nos forces militaires en Indochine ˮ du 15 July 1885 de Jules Harmand, dans “Mémoires et Documents Asieˮ, t.57, p.112-15.

Jules Harmand (1845-1921) était médecin de la marine, explorateur (mission Francis Garnier) et diplomate (commissaire de France aux Việt Nam, Laos et  Cambodge). Il représentait le gouvernement français de la Troisième république lorsqu’il cosigna le traité de Huế en août 1883, traité par lequel la cour de Huế reconnaissait le protectorat français sur  l’Annam  et le Tonkin (les provinces du sud /Lục Tỉnh  avaient déjà été conquises et annexées sous le nom de Cochinchine).

« Nous ne devons pas oublier que la nation annamite, d'une homogénéité sans exemple dans toute l'Asie, compose une unité positivement redoutable pour un conquérant très éloigné de sa base d'opérations, un peuple dont l'histoire, depuis les temps les plus lointains jusqu'à nos jours, le fait apparaître à l'observateur comme possédant au plus haut degré l'esprit de patriotisme, ou plus exactement le sens de la race, et qu'il serait très dangereux pour nous de le voir se réunir tout entier dans une haine commune dont nous serions l'objet […] . Qu'on soit donc convaincu d'une chose, c'est qu'il n'y a, pour ainsi dire, qu'un seul Annamite depuis le Kouang-Si jusqu'aux frontières du Cambodge et du Siam, que tous les Annamites ont les mêmes idées, les mêmes mœurs, les mêmes aspirations, les mêmes rancunes, la même organisation comme ils ont la même langue et les même lois; qu'il y a moins d'antagonisme réel entre les Annamites du Tonkin et leurs frères du Sud qu'il y en a chez nous entre un Breton et un Provençal et qu'il n'existe pas en particulier un seul “Tonkinois” qui désire voir ses mandarins “annamites” remplacés par des chefs français […] . Il n'est pas en Annam un seul lettré et même un seul enfant à l'école, un seul homme du peuple qui ne connaisse les noms et les hauts faits, devenus légendaires, des rois et des chefs de bande qui ont levé, pendant des siècles, l'étendard de la révolte contre les envahisseurs chinois et ont réussi enfin à les chasser […] .  C'est pour ces raisons que nous devrions scinder l'Annam en plusieurs tronçons […] , disloquer la cohésion de l'Annam, le découper, pour ainsi dire, en une série de segments ou de tronçons, sans qu'il ne puisse jamais réunir toutes ces forces contre nous » .

« Autrement dit, le diplomate français qui avait officialisé la fracture de l’état Vietnam  ou Đại Nam en trois entités politico-administratives, souligne l’ancienneté et la forte cohésion de la nation vietnamienne » m’écrit Pierre Brocheux .

2.    Une colonie et non une colonie et deux protectorats

En principe, une politique d’“assimilation” était appliquée au Sud, devenue une colonie dès 1862, et celle d’“association” au Centre et au Nord supposés être des protectorats. Mais dans la réalité, il n’y eut ni “assimilation”, qui aurait rejoint les revendications du Parti Constitutionnaliste de Bùi Quang Chiêu, ni “association”, les Vietnamiens ayant été dépouillés progressivement de tout pouvoir. C’était une domination absolue, avec des libertés restreintes de réunion, de presse, … et une Sûreté omniprésente prête à la répression, exprimée plus diplomatiquement par la formule « beaucoup de dépendances, très peu d’autonomie, et un peu d’assimilations[1]. »

En 1937, L’Indochine avec ses 24 millions d’habitants, était gérée par 4 654 Français, alors que l’Inde, dix fois plus importante, était administrée par 1 400 fonctionnaires britanniques[2].

3.   La gestion du pays

Pendant 29 ans – de la date de l’attaque de Đà Nẵng (1er septembre 1858), à celle de la création de l’Indochine française (15 novembre 1887) – il y eut 28 commandants en chef d’Indochine. Durant 58 ans, de la date de la création de l’Union Indochinoise (1887) à celle du coup d’État des Japonais (1945) qui prirent le pouvoir de toute l‘Indochine au détriment de la France, il y eut 38 gouverneurs généraux de l’Indochine (GGI).

La majorité des GGI exercèrent leur mandat durant moins d’un an, et neuf l’effectuèrent pendant plus de deux ans. Seuls quelques-uns de ces hommes avaient une vraie vision de ce qu’ils voulaient faire, mais les résultats restaient loin de la volonté annoncée. La politique des uns souvent faisait un pied de nez à celle des autres.

Deux des neuf pouvaient être qualifiés de constructeurs – le futur président de la République, Paul Doumer (février 1897 à octobre 1902), et Paul Beau (octobre 1902 à février 1907) – et deux de réformateurs : Albert Sarraut (novembre 1911 à décembre 1914 techniquement, et novembre 1916 à mai 1919) et Alexandre Varenne (novembre 1925 à janvier 1928) [3].

Le nombre de gestionnaires pendant toute la période de domination française montre qu’il y eut peu de souci d’assoir une politique cohérente à long terme.

Une colonie d’exploitation

L’Indochine était une colonie d’exploitation, et non une colonie de peuplement comme l’Algérie. Il y eut ainsi peu de colons: 0,18% d’Européens et assimilés d’une population indochinoise de 24 millions d’habitants alors qu’il y en eut plus de 10% en Algérie.

Dans une colonie d’exploitation, l’industrie locale n’était pas encouragée. Il fallait consommer des produits venant de la métropole (50 % de ses importations à la veille de la Seconde Guerre mondiale) et lui fournir à un prix sans concurrence les produits de ses ressources minières et agricoles (25 % de ses exportations en 1939), seuls secteurs d’activité autorisés à être développés. Les investissements métropolitains se firent principalement vers les mines (de charbon en particulier, au Nord), la riziculture (2e exportateur mondial de riz en 1939, 60 % des revenus d’exportation), les plantations d’hévéas (plus de 25 % des exportations en 1939), de thé et de café, ainsi que certaines industries de transformation, comme les cimenteries, le textile, les manufactures de tabac, les distilleries d’alcool de riz [4]. Des 188 000 hectares reçus par les colons français au Nord de 1896 à 1901, 30 000 hectares à peine restèrent encore leur propriété en 1930 ». Plusieurs maisons d’import-export virent le jour (Denis Frères d’Indochine, Société Marseillaise d’Outre-mer, etc.).

Pour ce qui était autorisé, il y eut vraiment des efforts: « La surface consacrée aux plantations d’hévéas passa de 3 000 hectares à 12 000 hectares entre 1924 et 1929, une augmentation de 400 pour cent en l’espace de cinq ans. De même, entre 1914 et 1929, le nombre de travailleurs dans les établissements industriels grimpa de 55 000 à 140 000, ce qui représentait une augmentation totale de 150 pour cent, ou une croissance moyenne annuelle de 17 pour cent, et cela malgré la Première Guerre mondiale, qui occupa quatre années de cette période. » [5]

« L’élite annamite, parfaitement informée des réussites du Japon, de la Chine, puis du Siam, et des Philippines dans le domaine de l’industrie, se demande si c’est bien dans l’intérêt des indigènes que les pouvoirs publics prononcent en Indochine l’interdit contre cette même industrie. » [6]

Une Indochine rentable

À quoi servaient une colonie et des territoires sous contrôle, sinon à être exploités et à enrichir la métropole ? Et, pour avoir les mains libres, il fallait avoir tous les pouvoirs.



[1]    La décolonisation, 1919-1963, Henri Grimal, éd. A. Colin., 1965.

[2]    Government and Revolution in Việt Nam, Dennis J. Duncanson, Oxfort University Press, 1968.

[3]    Qualifiés ainsi par François Guillemot dans son Viet-Nam, fractures d’une nation, Ed. La découverte, 2018.

[4]   Quelques témoignages sur la guerre d’Indochine, de 1945 à 1954, Maurice de Poitevin, Collection Lauragais-    Patrimoine, Société d’Histoire de Revel-Saint-Ferréol, 2011.

[5]    Vietnam : an indépendant point of view (Vietnam : un point de vue indépendant), de Nguyễn Ngọc Bích,  dans China Quaterly, mois 1-3, 1962, et dans North Vietnam today : Profile of a Communist satellite (Nord Vietnam aujourd’hui : Profil d’une satellite communiste), de P.J. Honey. Le texte intégral traduit en français se trouve dans Le Temps des Ancêtres, Une famille vietnamienne dans sa traversée du XXe siècle, Nguyễn Ngọc Châu, éd. L’Harmattan, 2018.

[6]    Nouveaux aspects du problème économique indochinois, Paul Bernard, 1937.

Pour la suite, svp allez au lien suivant

https://drive.google.com/file/d/1apYrvwl6sdo8zSEXUvidoObBJmXDbtrJ/view?usp=sharing

Comment le Sud Viet Nam fut vaincu en 1975

 

Nguyễn Ngọc Châu

 

Extraits de Việt Nam – L’histoire politique des deux guerres – Guerre d’indépendance (1858-1954) et guerre idéologique ou Nord-Sud (1945-1975), Nguyen Ngoc Chau, Editions Nombre 7, 2020, préfacé par l’historien Pierre Brocheux.

 

Le Président Richard Nixon écrivit en 1985 :

« …Aucun autre pays ne se serait battu pendant plus de dix ans à l’autre bout du monde, à grands frais, afin de sauver le peuple d’un petit pays de l’esclavage communiste […].

Nous avions moralement raison d’aider le Sud Viet Nam à se défendre, mais nous avons commis des erreurs capitales dans la façon de nous y prendre […] Une stratégie militaire et politique différente aurait pu assurer la victoire dans les années soixante. […] Finalement, le Vietnam a été perdu aux États-Unis sur le front politique, et non sur le champ de bataille du Sud-Est asiatique. […]Pendant deux ans, les Sud Vietnamiens ont réussi à contrer les violations communistes du cessez-le-feu.

La défaite n’est venue que lorsque le Congrès, négligeant les termes précis de l’accord de paix, refusa de fournir à Sài Gòn une aide militaire équivalente à celle que Hanoi recevait de l’Union Soviétique. […]Notre défaite fut une tragédie d’autant plus grande que, après l’accord de paix de janvier 1973, c’était facilement évitable. Il n’aurait pas fallu grand-chose pour consolider notre acquis, simplement une menace crédible de faire respecter l’accord de paix au moyen de raids de représailles contre le Nord Vietnam et une aide suffisante au Cambodge et au Sud Vietnam. [Mais] le Congrès mit légalement fin à notre engagement [et] sanctionna du même coup la défaite de nos amis. […] [Il] tourna le dos à une noble cause et à un peuple brave.

Le Sud Viet Nam voulait simplement avoir la chance de se battre pour sa survie en tant que pays indépendant.[…]. Notre abandon, dans leur plus grande détresse, ne fut pas digne de notre pays »[1].

Ngô Đình Diệm et les stratégies des Américains

« À bien des égards, la République du Việt Nam, qui a quitté l’année du Cochon, année lunaire de 1959, avait connu une croissance sans précédent de son économie, de son infrastructure politique et de sa stabilité intérieure, de son infrastructure politique et de sa position diplomatique au sein de la communauté des nations qui composaient l’Asie du Sud-Est et le Pacifique », écrivait R. Bruce Frankum, Jr [2].

Malgré les réalisations de Ngô Đình Diệm depuis son arrivée en 1954, cinq ans après, l’avis de l’équipe de l’ambassade des États-Unis à Sài Gòn n’était pas réjouissant. L’ambassadeur Elbridge Durbrow[3], un expert sur les Soviétiques [et donc plutôt un connaisseur de la mentalité de l’URSS]  affirma « Tout en concédant que la RVN avait pour objectif à long terme un idéal de démocratie et avait réussi à jeter les bases d’une telle forme de gouvernement, […] Ngô Đình Diệm n’avait vraiment fait que des progrès minimes pour atteindre cet idéal 272 ». Il écrivit au Département d’État le 7 décembre 1959 : « Le Việt Nam ne peut montrer que de petites avancées. De plus, ces étapes ne représentent en grande partie que l’érection d’une façade et la réalité de la situation reste celle d’un contrôle autoritaire par le régime[4] ».

Ngô Đình Diệm était loin d’être quelqu’un qui pouvait lui obéir au doigt et à l’œil pour servir les meilleurs intérêts des Américains, suivant les objectifs que ceux-ci s’étaient fixés. Il avait besoin de l’aide américaine et éprouvait naturellement à leur égard de la reconnaissance, mais il s’entêtait à vouloir garder sa liberté d’agir suivant ses propres convictions. « L’Amérique a une merveilleuse économie et beaucoup de bons côtés, disait-il un jour à un journaliste, mais est ce que votre force, chez vous, signifie automatiquement que les États- Unis ont le droit de tout dicter ici au Việt Nam, qui subit un genre de guerre que votre pays n’a jamais connue ?» notera plus tard Nixon dans son livre Plus jamais de Vietnams 337 .

Toute l’équipe menée par l’ambassadeur Elbridge Durbrow critiquait le parti Cần Lao de tous les maux, y compris de corruption, car c’était un parti secret, et ne mentionnait pas dans les rapports à Washington, ni le succès de ses réalisations humanitaires et sociales qu’elle connaissait, ni les réussites du gouvernement. Impatiente, elle était ulcérée que Diệm pensait en termes d’années, de décades, et non pas, de jours ou d’heures. Elle voulait pour le pays une démocratie à l’américaine, alors que le président vietnamien concevait qu’un pouvoir fort et certaines mesures dures, comme la censure de la presse, étaient nécessaires dans une guerre contre la subversion. Alors que Ngô Đình Diệm demandait que des troupes soit entraînées aux tactiques et techniques de contre-insurrection et de contre-terrorisme, Durbow passât son temps à critiquer l’inefficacité de l’Armée de la République du Việt Nam (ARVN), alors que celle-ci était formée par les Américains pour contrer une invasion possible des Nord Vietnamiens comme cela s’était passé en Corée. La demande d’aide pour augmenter de 20 000 le nombre de combattants que Ngô Đình Diệm considérait comme nécessaire, devint pour l’équipe de l’ambassade un moyen de marchandage pour l’amener à faire des réformes démocratiques et à se détacher de Ngô Đình Nhu : l’ambassadeur Elbridge Durbrow et ses conseillers Joseph Mendenhall et Francis Cunningham étaient en contact avec des personnalités de Sài Gòn qui voulaient plus de démocratie et de partage de pouvoir.

D’après l’historien militaire Geoffrey D.T. Shaw, les problèmes qui avaient surgi entre Diệm et Washington avaient leur origine dans l’arène politique/diplomatique américaine. Alors que Diệm et l’armée américaine s’accordaient bien, l'ambassade américaine et le département d'État s'opposaient à la direction qu’ils avaient prise. Selon ces derniers, le problème ne trouve sa solution qu’en Diệm, qui devait rendre son régime plus démocratique et moins autoritaire et éloigner Nhu et sa femme. Ainsi, le Département d’État considérait l’accroissement de l’armée et l’aide militaire comme un levier qui ferait garantir que Diệm ferait les réformes que les diplomates américains pensaient devoir être faites.

Les agissements de l'ambassade américaine et du département d'État qui poussaient les Américains à vouloir s’engager de plus en plus dans le pays et Ngô Đình Diệm à faire des réformes suivant leur optique, ennuyèrent beaucoup celui-ci et son frère Nhu.

Ils avaient besoin des Américains, mais ne voulaient pas que le prix à payer soit la perte de leur liberté d’initiative et la complète dépendance aux décisions de ces étrangers. Or cela était inévitable, quels que soient les cieux sous lesquels on se trouvait. Les Vietnamiens du Nord et du Sud, en se faisant la guerre, perdirent leur liberté désormais aux mains de ceux qui les armaient.

En mai 1963, Ngô Đình Diệm posa la question sur ce que les Américains voulaient faire au Việt Nam et demanda que 5 000 de leurs militaires quittent le pays au début de l’été de la même année. Le 17 mai 1963, dans l’accord sur le financement de la lutte anti-insurrectionnelle, on pouvait lire : « le niveau actuel de l’effort de soutien et de conseil est nécessaire mais en fonction de l’amélioration de la sécurité et du progrès du Programme des Hameaux Stratégiques (PHS) il est prévu que l’assistance étrangère, à la fois en termes d’hommes et de matériel, serait progressivement réduite ». Un article du 12 mai de la journaliste Unna dans le Washington Post cita Nhu et sa déclaration dans une interview « le Sud Việt-Nam aimerait voir partir la moitié des 12 000 à 13 000 militaires américains présents ici ». Nhu dut démentir ces paroles et afficher une attitude conciliante après la forte réaction du gouvernement américain.

En même temps, Ngô Đình Nhu prit contact avec le Nord à travers notamment une rencontre dans le district de Tánh Linh de la province de Bình Tụy avec Phạm Hùng[5] (1912-1988), vice Premier ministre, responsable de l’unification des deux régions depuis 1958 et ancien chef de la délégation militaire du Nord Việt Nam à Sài Gòn dans l’International Control Commission (ICC, Commission Internationale de Contrôle) établie suivant les accords de Genève pour contrôler leur application. Il passa aussi par l’intermédiaire de Mieczylaw Maneli, chef de la délégation polonaise de l’ICC, venu le voir le 2 septembre 1963 au palais Gia Long[6]. Nhu avait discuté avec quelques généraux, dont Dương Văn Minh (le Gros Minh, « big Minh ») de sa conversation avec Maneli. Celui-ci lui avait retransmis une proposition du Premier ministre nord-vietnamien Phạm Văn Đồng de commencer des échanges commerciaux entre le Nord et le Sud et s’était mis à la disposition de Nhu pour s’envoler à Hà Nội à tout moment. L’ambassadeur français Lalouette avait aussi offert ses services dans les mêmes buts.

Le 26 septembre 1963, plus d’un mois avant le coup d’État qui achèvera Ngô Đình Diệm et Ngô Đình Nhu, il y eut un rapport de la CIA avec pour sujet « Possible rapprochement entre Nord et Sud Việt Nam ».

Ce rapport estimait que « les signes que le GVN [gouvernement de la République du Việt Nam)], la RDV [la République Démocratique du Việt Nam, c’est-à-dire le Nord] et les Français étaient en train d’explorer des possibilités d’une sorte de rapprochement Nord Sud » que Joseph Alsop avait indiqués dans son article du 18 septembre 1963 dans le Washington Post, ne concernaient pas une imminente réunification, mais plutôt « un cessez-le-feu, un cessez-le-feu formel ou une sorte de neutralisation ». « Maintenant Nhu reconnait des contacts avec le Nord et a laissé entendre que le GVN ne refuserait pas nécessairement de considérer des ouvertures de Hà Nội […] Il y a suffisamment de possibilités que la famille Ngô est en train de s’intéresser sérieusement à un tel rapprochement qu’il mérite que nous y prêtions une continuelle attention… ».


La suite en allant à ce lien

https://drive.google.com/file/d/10_TxHJyKG0U7zUyWIUVslgITmfFc26OA/view?usp=sharing


[1]  Plus jamais de Vietnams (No more Vietnams), Richard Nixon, Albin Michel, Paris (1986) et Arbour House, NY (1985).

[2]  Vietnam, year of the rat, Elbridge Burbrow, Ngô Đình Diệm and the Turn in US Relations, 1959-61 (Vietnam, année du rat, Elbridge Durbrow, Ngô Đình Diệm et le tournant des relations avec les USA, 1959-1961), Ronald Bruce Frankum Jr.

[3]  Ambassadeur des États-Unis au Việt Nam du 14 mars 1957 à avril 1961.

[4]  FRUS 1958-1960, Volume I: Vietnam, 260, Dispatch 153, December 7, 1959.

[5]  Mủa hè máu lửa (L’été en feu et en sang), [général]Đổ Mậu,

[6] Thèse de Master’s Degree, The Vietnam War: Lost or Won? Vũ Ngự Chiêu, Université Wisconsin-Eau Claire, 1977, sous la direction du professeur Richard D. Coy.


Extraits de l’article « Sur le Caodaisme » (2017) de Nguyễn Ngọc Châu présent aux sites Academia.edu et Indomémoires.hypothèses.org. 

 

 Le Taoïsme

L'objectif poursuivi par le Taoïsme est l'acquisition de la sagesse qui procure à l'esprit une sérénité pure, propre et complète, et l'atteinte de l'état immortel par la pratique de l'alchimie intérieure.

Avant de quitter le pays de sa naissance[1] pour une retraite spirituelle finale dans l’ouest de la Chine, Lao Tseu laissa pour la postérité le seul document de son enseignement, le Tao Te King, 道德經, en vietnamien Đạo Đức Kinh, le Livre de la Voie et de la Vertu (que certains traduisent par Rectitude) , ou plutôt le Livre du Tao et de la Vertu, car la traduction de Tao en Voie paraît restrictive. Les 81 chapitres de ce recueil, qui s’inspire du Yi King (Kinh Dịch), le Traité canonique des mutations, hérité de la tradition chinoise et qui date de plusieurs milliers d’années avant J.-C. , sont répartis en un Thượng Kinh (ou Livre Supérieur) de commentaires du mot Đạo (Tao) , et un Hạ Kinh (ou Livre Inférieur) sur le mot Đức (Vertu) . La Création y est décrite et la Voie qui permet de retourner vers l’Un, à l’avant du Deux des Yin et Yang, y est exposée.

Les deux autres grands maîtres Taoïstes, Lie Tseu (Liêu tử,  列子, Ve siècle avant J.-C.) et Tchouang Tseu (Trang Tử, 莊子, IVe siècle avant J.-C.) , ont complété le Tao Te King par leurs enseignements en prose, qui ont été rassemblés et retranscrits dans respectivement, le Tchoung Hu Tchenn King (Vrai classique du vide parfait) et le Zhuāngzǐ ou Nan Hoa Tchenn King (Vrai classique de Nanhua, du nom des monts du Hunan, où l’on disait que Tchouang Tseu s’était réfugié à la fin de sa vie) . Ces deux livres donnent des explications détaillées de la Voie avec des histoires courtes pleines de signification.

Le Tao

Lao Tseu parlait comme suit du Tao dans le Thượng Kinh (Livre Supérieur) du Tao Te King:

Le Tao que l'on peut nommer n’est pas le Tao éternel,

Le nom que l'on peut nommer n'est pas le nom éternel.

Sans nom, il représente l’Univers

Avec un nom, il constitue la Mère de tous les êtres.

Đạo khả Đạo phi thường Đạo,

Danh khả Danh phi thường Danh.

Vô Danh Thiên Địa chi thủy,

Hữu danh vạn vật chi mẫu.

(chapitre 1)

Le “Taoˮ évoqué par Lao Tseu est traduit littéralement par “ Voieˮ. Mais c'est le Principe Suprême qui est à la fois l’Origine et la Fin de tous les êtres. Il a la forme de ce qui n'a pas de forme, et l'image de ce qui n'a pas d'image. Il ne crée pas le monde comme quelque chose de distinct de lui, car il n'est jamais séparé de la nature et des êtres, il “estˮ la nature et les êtres. Il ne crée pas, il engendre. Et aucun nom approprié ne peut lui être associé. 

Le Tao donna naissance à Un

Un donna naissance à Deux

Deux donna naissance à Trois

Trois donna naissance aux dix mille êtres

Tout être porte sur son dos l'obscurité et serre dans ses bras la lumière

Le souffle indifférencié constitue son harmonie".

Đạo sanh Nhất,

Nhất sanh Nhị

Nhị sanh Tam,

Tam sanh vạn-vật

Vạn vật phụ âm nhỉ bão dương,

Xinh khí dĩ vi hòa

 (chapitre 42)

Le “Unˮ représente le Souffle Primordial, l’Unité/Totalité Première, l'Energie Vitale Universelle et Originelle, passé et présent, sans opposé, infini et éternel, né du Tao le Principe Suprême.

Le “Deuxˮ qui correspond au Yin et au Yang produisit les trois souffles–énergies : le pur, l’impur et le mélangé, qui, à leur tour, constituèrent respectivement le Ciel qui est Yang, la Terre qui est Yin, et l’Homme qui est un mélange de Yang et de Yin.

Le “Troisˮ est la Grande Triade Chinoise, Ciel, Terre et Homme qui génère toute la Création par combinaison de Yin et Yang.

Le Yin et le Yang

Pour comprendre la dualité Yin et Yang qui vient du Yi King, il faut quelques explications.

Le Yang est le principe masculin, actif, créateur, lumineux qui est associé au Ciel, au Soleil. Le Yin est le principe féminin, passif, existentiel, obscur, qui est associé à la Terre, à la Lune.

Les principes Yin et Yang sont présents dans toutes choses et s’équilibrent continuellement de façon dynamique. De nombreuses pièces de monnaie anciennes de Chine sont rondes avec un trou carré au milieu, et beaucoup d’histoires mythiques ou légendaires de ce pays tournent autour de ces deux figures géométriques dont l’une, le carré (qui peut être dessiné avec une équerre), représente la Terre, le monde temporel, le Yin, et l’autre, le cercle (qui peut être dessiné avec un compas), le Ciel, le monde spirituel, le Yang.      

Dans Yang, il y a Yin ; et, vice versa, dans Yin, il y a Yang. Il n’existe pas de Yang absolu ni de Yin absolu, et cela est figuré très justement par le ruban de Möbius. Prenez un ruban par les deux bouts, et collez ceux-ci en faisant subir à l’un d’eux une torsion d’un demi-tour, et vous obtenez un ruban de Möbius. Alors qu’une simple feuille a toujours deux faces, le ruban de Möbius n’a qu’une seule face — et c’est là tout son paradoxe — comme on peut s’en assurer en le parcourant avec la pointe d’un stylo. À tout niveau du ruban, on constate la présence des deux faces en une seule, comme Yin et Yang sont présents dans chaque aspect de la vie et de ce qui est créé.


 La suite avec le lien

https://drive.google.com/file/d/1r7blomRbopi1IiFDB-7fyxMYKWUafxl-/view?usp=sharing


[1]     Pays de Chu, Royaume de Zhou.

Le quc ngữ, Alexandre de Rhodes et les MEP

Nguyễn Ngọc Châu

Extraits de « Việt Nam – L’histoire politique des deux guerres – Guerre d’indépendance (1858-1954) et guerre idéologique ou Nord-Sud (1945-1975) » de Nguyen Ngoc Chau, préfacé par l’historien Pierre Brocheux et publié par les Editions Nombre 7, Seconde édition, 2020). Informations sur

https://drive.google.com/file/d/1wAjGtHC4jEfRBtUywxkPcbuf9oMy6ba6/view?usp=sharing

La version anglaise (“Việt Nam – Political history of the two wars- Indépendence war (1858-1954) and ideological war (1945-1975)” préfacée par le Professeur Janet Hoskins de l’University of Southern California, LA, est disponible sur Amazon. Sa Table des matières est accessible par le lien : https://drive.google.com/file/d/1_mTkP-trkc63qaQ8BPI2BoSp-8vBcmQY/view?usp=sharing

 

Beaucoup croient qu’Alexandre de Rhodes est l’inventeur du quốc ngữ et le portent aux nues pour cela. Qu’en est-il en réalité ? Et sait-on que cet évêque est à l’origine d’un autre évènement qui a grandement bouleversé la société vietnamienne ?

Le chữ quốc ngữ

Depuis la nuit des temps, les Vietnamiens avaient leur propre langage oral, qui était différent et indépendant du langage chinois (hán) prononcé à la vietnamienne. Ainsi le mot “montagne” se dit núi dans la langue vernaculaire, chan dans la langue chinoise, et sơn (prononcé “sheun”) en chinois vietnamisé (chữ nho).

Ils utilisaient l’écriture chinoise, et depuis la fin de la colonisation chinoise au XIIe siècle, une nouvelle graphie appelée chữ nôm (caractères nôm, ou « écriture du sud »), ou quốc âm « prononciation nationale », qui exigeait une parfaite connaissance du chinois. C’étaient, pour P.Huard et M.Durand dans leur Connaissance du Việt Nam, « des caractères chinois simples ou combinés entre eux pour noter le son d’un mot vietnamien [de la langue vernaculaire] ou le sens et le son d’un mot vietnamien ». Par exemple, le chữ nôm de núi (montagne en langue vernaculaire)  a été créé en plaçant le caractère montagne au-dessus de , dedans, à l’intérieur (en chinois : nèi), qui a ici une valeur phonétique.

Les Tây Sơn (1788-1802), très nationalistes, utilisaient le chữ nôm comme écriture officielle. Les Nguyễn continuèrent d'employer l'écriture chinoise.

Cependant, la connaissance de l'écriture chinoise ou de l'écriture “nôm” demandait la mémorisation de plusieurs milliers de caractères et n'était donc pas accessible sans de nombreuses années d'études. Leur utilisation était trop limitée pour espérer qu’elles deviennent, pour les missionnaires, des véhicules d’évangélisation.

Le jésuite portugais[1] Francisco de Pina (1585-1625), élabora, dès 1622, un système de transcription des tons et des sons de la langue vernaculaire vietnamienne, par utilisation de l'alphabet latin accompagné de signes diacritiques représentant les 6 différents tons. Il composa tout un ensemble de morceaux choisis de textes et rédigea une grammaire. En 1624, il avait Antonio de Fontes et Alexandre de Rhodes comme élèves dans sa première école de langue vietnamienne pour les étrangers. Par la suite, Gaspard de Amaral (au Tonkin de 1635 à 1639) compila le premier dictionnaire Vietnamien Portugais et Antoine Barbosa (en Annam en 1635) le premier dictionnaire Portugais Vietnamien. Ces deux dictionnaires constituèrent la base du Dictionarium Annamiticum Lusitanum et Latinum (Dictionnaire annamite-portugais-latin) qui finit par un Linguae Annamiticaeseu Tunchinensis Brevis Declaratio, un précis de grammaire vietnamienne de 31 pages que fit publier le jésuite Alexandre de Rhodes [2] (1593-1660) en 1651 à Rome. La même année, celui-ci fit éditer un Catechismus pro iis qui volunt suscita batismum (Catéchisme pour ceux qui veulent se faire baptiser en huit jours [3]) (figure 8) dans cette nouvelle écriture qui fut utilisée à la vulgarisation des textes évangéliques.

Alphabet

A  Á    B  C  D  Đ  E  Ê  G  H  I  K  L  M  N  O  Ô  Ơ P  Q  R  S  T  U  Ư  V  X  Y

a   á  â   b  c  d   đ   e   ê  g   h  i  k   l   m  n   o   ô   ơ p   q   r   s   t   u   ư  v   x  y

10 combinaisons de 2 consonnes : ch, gh, gi, kh, ng, nh, ph, qu, th, tr

1 combinaison de 3 consonnes : ngh

5 accents sur des voyelles : á, à, ả, ã, ạ

Ce nouveau système d'écriture fut désigné sous le nom de chữ quốc ngữ (chữ = mot, caractère ; quốc = pays ; ngữ = écriture), c’est-à-dire “mots en écriture nationale”, différent de l’écriture chinoise. Tô Mi dit que le nom complet devrait être “quốc ngữ la mã tự” qui veut dire “lettres latines [transcrivant] le quốc ngữ” (la mã voulant dire Rome, romaine) [4].



[1]  Alexandre de Rhodes a-t-il inventé le quốc ngữ, d'Alain Guillemin, Moussons, 23, 2014, indique « Entre 1615 et 1788, sur les 145 jésuites qui     résidèrent     au Viêt Nam on dénombre 74 Portugais contre 30 Italiens, 5 Français et 4 Espagnols ».

[2]  https://moussons.revues.org/2921, http://patrick.fermi.free.fr/ecriviet.htm.

[3]  Le 4è jour est consacré à une critique en règle du Confucianisme, du Taoisme et, en particulier du Bouddhisme.

[4]  https://indomemoires.hypotheses.org/tag/chu-quoc-ngu.


La suite par le lien :

https://www.academia.edu/63379654/Chu_Quoc_Ngu_et_Alexandre_de_Rhodes?fbclid=IwAR0N4RVN62li-cudz7Ky3WzsnzKbTTt2Nf2JVBEXlHnhWu_lwE44MQVxs7E

21.  En hommage à Pierre Brocheux, historien spécialisé sur l'Asie du Sud-Est, l'Indochine et le Việt Nam

Pierre Brocheux 3.pdf

22.  Le Soufisme 

Le Soufisme.pdf

23.  L'année du "chat" des Vietnamiens

Les Vietnamiens appellent la nouvelle année lunaire qui commence au 22 janvier 2023 l’année Quý Mão (Chat d’eau à usage), alors que dans les autres pays de la “civilisation des baguettesˮ [1], c’est l’année du Lapin d’eau.

[1] Les pays de la civilisation des baguettes ont la spécificité d’utiliser des baguettes pour manger depuis des temps très anciens lorsque le reste du monde se servait encore des doigts pour le faire. Ils ont pour particularité d’assimiler une grande partie de la culture chinoise, dont l’adoption des 12 animaux de son zodiaque comme signes astrologiques.