L'Histoire politique des deux guerres

1. Information sur le livre

Recensions et notes de lecture

Monsieur Légionnaire

https://monsieur-legionnaire.org/notre-actualite/17-culture/621-viet-nam-l-histoire-politique-des-deux-guerres-1858-1954-et-1945-1975-de-nguy-n-ng-c-chau-permettre-aux-nouvelles-generations-de-comprendre-ces-deux-longues-guerres

Vinageo

https://vinageoblog.wordpress.com/2020/11/15/fiche-de-lecture-15-nguyen-ngoc-chau-viet-nam-lhistoire-politique-des-deux-guerres-1858-1954-et-1945-1975-editions-nb7-2019/

AFRASE (Association Française pour la Recherche sur l'Asie du Sud-Est)

https://drive.google.com/file/d/1AHU2jZy-jb8l48ujrZdm2OTGTEjgWcj_/view?usp=sharing

Revue Défense Nationale

https://www.defnat.com/e-RDN/e-recensions-detail.php?cid=434

Revue Conflits

https://www.revueconflits.com/viet-nam-1858-1975-livre/

AEJJR (Association des anciens du Lycée Jean-Jacques Rousseau/Chasseloup Laubat de Saigon)

https://drive.google.com/file/d/1dgTdnK72TjAaQxE_zRw7xWwbdFjuqFgT/view?usp=sharing

LKT

https://drive.google.com/file/d/1jgSsmXJeBKBqOl979PdufIYWkKfxU_S4/view?usp=sharing

Lettre de Daniel Hémery

https://drive.google.com/file/d/1hGF0wHOCfywZhE7KYv7ZMAZeUeEM1fep/view?usp=sharing

Janet Allison Hoskins

https://drive.google.com/file/d/1gBmgUPibUT2lBEJuTTrapXRLLxQiII9y/view?usp=sharing

Commentaires lecteurs sur Babelio

https://drive.google.com/file/d/1dLTX7TE8-k6Zx64ft_RicB1rnbnk3hI3/view?usp=sharing

Informations détaillées sur le début du livre

Préface de P Brocheux

https://drive.google.com/file/d/1snynVouVuC_kyrrAtlkHHSRYTkJWzyq1/view?usp=sharing

Lettre de l’auteur

https://drive.google.com/file/d/1P526Roo9GfxIXF8uHeuijNQIZkNJJdmC/view?usp=sharing

Introduction

https://drive.google.com/file/d/1OI_b-LPlCytu0wiCIu142YdHU5M1cmRb/view?usp=sharing

Table des matières

https://drive.google.com/file/d/1P0OfiD6j0yYX00qgkGYd6j9quJZu3VpO/view?usp=sharing


Annonces du livre

https://indomemoires.hypotheses.org/tag/nguyen-ngoc-chau

https://www.babelio.com/auteur/Nguyen-Ngoc-Chau/539967

http://www.mcfv.eu/tag/nguyen-ngoc-chau/

Entretiens avec l’auteur

https://vinageoblog.wordpress.com/2019/12/29/entretien-2-lhistoire-du-vietnam-selon-nguyen-ngoc-chau/

Vidéo-conférence du 15/11/2020 de MCFV de l’auteur interrogé par le journaliste Louis Raymond

https://youtu.be/DevCsYbAUeQ

Commandes (papier ou électronique) de préférence directement au site de l’éditeur Nombre7

https://librairie.nombre7.fr/recit-historique/1576-viet-nam-seconde-edition-9782381530512.html?search_query=NGUYEN+NGOC+CHAU&results=19

sinon par des sites des intermédiaires (Amazon.fr, FNAC, Cultura, etc.). Un livre dédicacé peut être demandé à l’auteur (yakiribocou@gmail.com, 0648919941).



2. Recensions et Notes de lecture

Monsieur Légionnaire

https://monsieur-legionnaire.org/notre-actualite/17-culture/621-viet-nam-l-histoire-politique-des-deux-guerres-1858-1954-et-1945-1975-de-nguy-n-ng-c-chau-permettre-aux-nouvelles-generations-de-comprendre-ces-deux-longues-guerres

"VIET NAM L’Histoire Politique des Deux Guerres 1858-1954 et 1945-1975" de Nguyễn Ngọc Châu : permettre aux nouvelles générations de comprendre ces deux longues guerres

Écrit par Lieutenant-Colonel Constantin LIANOS le 2 octobre 2021. Publié dans Culture.

Un angle unique qui sait trouver l'équilibre entre les faits historiques et l'histoire personnelle

Le passé colonial de la France reste un sujet encore très flou et peu abordé, en raison d'une censure qui perdure. En fermant les yeux sur un passé honteux et en le rendant tabou, il devient inaccessible. Encore plus pour les jeunes générations...

Nombreux sont alors celles et ceux qui, comme l'auteur a pu le faire, s'interrogent sur leur histoire :

Pourquoi y a-t-il eu répression des chrétiens, ce qui a justifié officiellement l’intervention des Français au Vietnam en 1858 ? Qu’a apporté la France à ce pays devenu une colonie d’exploitation ? Comment le communisme s’y est-il constitué ? Hồ Chí Minh a-t-il été « plus nationaliste que communiste » comme le pensent certains ? Quel a été le rôle du Général de Gaulle dans le retour des Français en Indochine en 1945 ? Comment Ngô Đình Diệm a-t-il été choisi par Bảo Đại en 1954 ? Le Việt Nam n’a-t-il pas raté l’occasion d’évoluer autrement cette année-là, dans la paix et non la guerre ? Quel a été le jeu des Américains dans la seconde guerre ? Comment les nationalistes ont-ils été vaincus par les communistes en 1975 ?...

"Viet Nam - L'Histoire Politique des Deux Guerres 1858 - 1954 et 1945 - 1975" de Nguyễn Ngọc Châu, contient la réponse à ces nombreuses questions. Il permet aux nouvelles générations de comprendre ces deux longues guerres, souvent mal connues.

Doté de 464 pages, il s’appuie sur des archives variées et une vaste bibliographie de plus de 150 ouvrages en français, en anglais et en vietnamien.

"Parce qu'il a lui même vécu au cœur de la guerre coloniale, et traversé cette période de crise, Nguyễn Ngọc Châu apporte un regard unique sur ces évéements. Donner la parole aux concernés nous paraîtcrucial et évident".

Les éditions Nombre7

La suite au lien suivant:

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Vinageo

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Par Rémy Baraize

Dans Viet Nam – L’histoire politique des deux guerres 1858-1954 et 1945 – 1975, l’auteur dépeint une fresque historique riche en références (un peu plus de 150 références en français, en vietnamien et en anglais) et en détails en tressant une trame faite à la fois de savoirs académiques et d’anecdotes se confondant avec un exercice de témoignage. Et c’est là tout son intérêt.

En effet, beaucoup d’ouvrages furent écrits sur les deux premières d’Indochine mais celui-ci se démarque assez facilement en raison de la perspective originale qui anima l’esprit de son écriture. Souhaitant faire comprendre « à tous ceux qui s’intéressent au Viet Nam, et en particulier à ceux qui ont du sang vietnamien dans les veines » à travers « la connaissance du passé de leur patrie, ou de la patrie de leurs ancêtres » que « le présent et le futur d’un pays ne se construisent pas sans larme », l’ouvrage révèle en effet une posture tenant autant du débat historiographique que de l’histoire personnelle.

Ce double registre constant permet au propos d’éviter les biais politiques grossiers issus de la guerre froide et parasitant bien trop souvent la réflexion en fonction de la position à partir de laquelle on parle. On notera que, s’agissant d’un pays comme le Vietnam où l’histoire se vit principalement à travers la famille et souvent suivant une tonalité tragique, la performance est toute à fait remarquable.

Il ne faudrait cependant pas croire que le livre se cantonne à une simple et monotone description des faits sans être mû par une dynamique particulière. En effet, les bornages chronologiques des deux guerres tranchent assez nettement avec ceux traditionnellement retenus pour parler des guerres française et américaine dans la région, à savoir respectivement 1945-1954 et 1960 – 1975. En choisissant ainsi l’année 1858 (à savoir la prise de Da Nang par l’amiral Rigault de Genouilly) comme point de départ de la « guerre d’indépendance » contre les Français et l’exécution des principaux leaders nationalistes (Pham Quynh et Bui Quang Chieu notamment) par les communistes en 1945 pour la « guerre idéologique », Nguyen Ngoc Chau propose un éclairage inédit dont découlent au moins 2 mérites.

Le premier consiste en l’élaboration d’une historiographie proprement vietnamienne, débarrassée des points de vue étrangers. Plusieurs sources primaires et secondaires vietnamiennes, d’ordinaire très difficile d’accès si on ne maitrise pas le vietnamien et donc relativement rare voire absente dans les bibliographies de référence, permettent ainsi de construire un récit historique ancré dans les faits avec force de détails. Si l’on prend l’exemple de la guerre d’Indochine, le refus d’accepter la partition française de la période coloniale (à savoir grossièrement conquête – pacification – administration – trouble des années 30 – occupation japonaise – guerre d’Indochine) permet de réintroduire l’idée que le peuple et certaines élites vietnamiens ont en fait opposé une résistance constante bien que protéiforme à la présence française. A ce titre nous avions déjà eu l’occasion de parler du mouvement Can Vuong ou appel du roi. On notera que cette vision tranche également avec l’histoire officielle du Parti Communiste Vietnamien qui, besoin de légitimité oblige, tend à se parer de toutes les vertus dans la lutte contre les « colonialistes français ». De la même façon, la sélection du début de la lutte ouverte entre nationalistes et communistes vietnamiens en 1945 permet de souligner que les deux premières guerres d’Indochine furent certes des conflits impliquant une ou plusieurs nations extérieures mais aussi et surtout des guerres civiles qui virent la population vietnamienne se déchirer. Ce faisant, la prise de Saïgon en 1975 par les troupes du général Giap n’est plus seulement une péripétie de la guerre froide ou un revers pour les Américains mais l’aboutissement d’une lutte idéologique ouverte tenant à la meilleure voie à choisir pour le bonheur du peuple vietnamien. Ajoutons, au surplus, que cette « vietnamisation » de l’histoire est renforcée par le recours systématique à la graphie vietnamienne pour l’écriture des noms des diverses personnes et oragnisations politiques.

Le second mérite de ce parti-pris chronologique réside également en ce qu’il replace les événements dans un temps long, permettant, de fait, une compréhension bien plus fine et profonde de leurs enjeux et dénouements. Ainsi plusieurs poncifs, le plus souvent issus de la vision des vainqueurs des deux guerres, sont rapidement évacués par une richesse d’informations sur une quantité de sujets qui, à première vue, pourraient paraitre annexes ou trop pointus pour le grand public. Et c’est très certainement ici que s’exprime toute l’originalité et tout l’intérêt de la lecture de cet ouvrage dans le cadre de l’étude de l’histoire vietnamienne. Vous y trouverez des renseignements plutôt rares bien que très pertinent. Il semble devoir être ici fait mention spéciale du chapitre consacré à la question ô combien politique du système d’enseignement qui fut mis en place par les autorités coloniales afin de pallier le manque d’administrateur français tout en ne créant pas une élite façonnée par les valeurs françaises qui deviendrait dès lors revendicatrice, voir révolutionnaire[1]. La transition avec le foisonnement des idées politiques (venus aussi bien de l’Orient que de l’Occident) et des organisations politiques au Vietnam en découle en outre assez naturellement.

Car c’est également dans la forme de l’ouvrage que se trouvent ses qualités. On sent très bien la volonté pédagogique de l’auteur en ce qu’il parvient à condenser 117 années d’histoire en 460 pages sans sacrifier le nécessaire. Pour ce faire, il a recours tantôt aux anecdotes révélatrices ou aux détails significatifs, tantôt à des tableaux de données, tantôt à des citations de personnages ayant directement vécu les événements relatés. Les développements du livre peuvent alors s’apparenter à une succession de petites histoires formant l’Histoire. Ayant déjà interrogé M. Nguyen à ce propos, je vous invite à lire son interview déjà présente sur le blog à l’adresse suivante si vous voulez davantage de détails : https://vinageoblog.wordpress.com/2019/12/29/entretien-2-lhistoire-du-vietnam-selon-nguyen-ngoc-chau/

Cette narration découle largement de l’aspect personnel qu’a insufflé l’auteur dans ce livre sans pour autant y laisser poindre de biais émotionnels. Il laisse en effet le soin de juger aux acteurs et spectateurs des événements à travers de nombreuses citations, l’exemple le plus parlant étant sans doute la reprise des mots de Nixon en conclusion s’agissant des mobiles et résulstats de l’action américaine au Vietnam. Si vous avez déjà eu l’occasion de lire son précédent livre Le temps des Ancêtres – Une famille vietnamienne dans sa traversée du XXème siècle, vous savez déjà qu’il est rompu à l’art de faire raisonner l’histoire de sa famille dans l’histoire de son pays. Aussi, cette proximité avec le « matériau historique » sert le développement compact des idées présentes dans ce livre en ce qu’elle y apporte la rondeur de la familiarité, évitant ainsi l’écueil d’un style aride ou trop scolaire. Il faut dire que, Nguyen Ngoc Bich, le père de l’auteur, polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées et plus tard docteur en médecine, fut un intellectuel opposé à la présence française (il fut commandant de la zone militaire IX pour le Viet Minh puis dénoncé car ne voulant pas adhérer à l’idéologie communiste) et par conséquent condamné à mort par les Français, gracié (grâce à l’intervention de ses camarades de Polytechnique) puis exilé en France. C’est également autour de sa personne que se trouve l’apport le plus original du livre. En effet, en plus de mettre fin à un non-dit historiographique tenant au fait que plusieurs solutions pacifiques furent imaginées afin de fonder un « véritable » état vietnamien sans intervention extérieur, on apprend que Nguyen Ngoc Bich aurait pu avoir une influence déterminante sur la destinée du pays. Il fut en ce sens pressenti pour devenir premier ministre de Bao Dai à la place de Ngo Dinh Diem. On apprend également qu’il appartenait au groupe d’intellectuels dit « Minh Tân », qui préconisait une coopération économique et financière entre le Nord et le Sud jusqu’à ce que les conditions soient réunies pour une réunification pacifique du pays sans lien de dépendance avec la Chine, l’ennemi de toujours. On n’a pas fini de se demander l’ampleur des conséquences qu’auraient eu cette position à la fois sur l’histoire personnel de l’auteur (obligé de fuir son pays en 1975), sur l’histoire du Vietnam et sur l’histoire mondiale.

En définitive, Viet Nam- L’histoire politique des deux guerres 1858-1954 et 1945-1975 s’avère être un incontournable pour quiconque souhaite avoir les connaissances de base concernant l’histoire vietnamienne du siècle dernier sans les partis-pris idéologiques traditionnels rattachés aux conflits, si ce n’est celui d’écrire une histoire du Vietnam par un Vietnamien et pour les Vietnamiens. Il peut être abordé sans aucune connaissance préalable du pays et des deux guerres et offre de multiples références bibliographiques pour ceux qui voudraient approfondir certains sujets précis.

[1] Nguyen Ngoc Chau, Viet Nam- L’histoire politique des deux guerres 1858-1954 et 1945-1975 – Editions Nombre 7 – 2019, p. 75 – 82

Rémy Baraize

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29 décembre 2019 dans "Entretien / Interview"

AFRASE (Association Française pour la Recherche sur l'Asie du Sud-Est)

https://drive.google.com/file/d/1AHU2jZy-jb8l48ujrZdm2OTGTEjgWcj_/view?usp=sharing


par Louis Raymond, journaliste

Il n’est pas évident de se démarquer en publiant une synthèse générale de l’histoire contemporaine du Viêt Nam, dans une actualité éditoriale pour le moins chargée. Depuis 2016, il faut compter notamment sur les ouvrages de Christopher Goscha (Vietnam : A New History, 2016), François Guillemot (Viêt Nam, fractures d’une nation, 2018), Benoît de Tréglodé (Histoire du Viêt Nam de la colonisation à nos jours, éd., 2018) et même sur celui du spécialiste du Cambodge Ben Kiernan (Viet Nam : A History From Earliest Times to the Present, 2017). L’historiographie se renouvelle et, au-delà du vieux clivage entre révisionnistes et orthodoxes, elle fait l’effortt de replacer les Vietnamiens au centre de leur histoire. Tous les Vietnamiens si possible, ajoute François Guillemot, dont les travaux s’intéressent de longue date aux vaincus de l’histoire de ce pays.

Pour un historien non-professionnel, la tâche était d’autant plus ardue. Si Nguyễn Ngọc Châu, cadre du secteur bancaire à la retraite, après avoir écrit un premier livre sur l’histoire de sa famille, s’en tire remarquablement bien, peut-être est-ce dû au lien organique qu’il entretient avec son sujet. Ingénieur diplômé de l’École centrale de Paris dans les années 1960, il fait le choix de retourner à Saïgon au début des années 1970 où il est employé comme directeur du crédit de la Banque centrale de la République du Viêt Nam (RVN). Il connaîtra ainsi de l’intérieur cette journée fatidique de la fn du mois d’avril 1975, avant de fuir le pays par bateau et de se réinstaller en France. De la même manière, Châu est le fils de Nguyễn Ngọc Bích, lui aussi ingénieur, qui animait un groupe secret d’intellectuels dans les années 1950 à Paris et avait envisagé de se présenter à l’élection présidentielle de la RVN contre Ngô Đình Diệm en 1961. Du fait de cette histoire familiale, l’auteur a ainsi eu l’opportunité de rencontrer des personnalités les plus diverses, du Nord ou du Sud, qui ont compté dans l’histoire contemporaine de son pays d’origine.

Cette compréhension vécue de son sujet aurait pu poser un problème d’ordre épistémologique. Les anciens acteurs et actrices de l’histoire du Viêt Nam ont produit des témoignages, des mémoires, à la première personne, dans lesquels ils assument leur subjectivité, racontent une vérité de leur point de vue. Nguyễn Ngọc Châu, s’il a bien vécu à Saïgon en tant qu’adulte avant 1975, appartient néanmoins à la génération qui a été afectée par la défagration de l’histoire sans pouvoir peser sur le cours des événements : celle née entre 1940 et 1960. En faisant le choix de la méthode historique, il a tenté de dépasser son expérience personnelle. S’il évoque le destin de son père ou développe certains traits de la culture méridionale du pays qui lui sont plus familiers que ceux du Nord, l’auteur réussit dans l’ensemble à « objectiver » son regard, et à évoquer les confits idéologiques et les jeux d’influence avec l’œil froid de l’historien.

Cette Histoire politique des deux guerres est une synthèse, faites à partir de sources secondaires en vietnamien, en français et en anglais. La bibliographie comprend les ouvrages récents de certains chercheurs anglo-saxons (Edward Miller, Pierre Asselin, etc.), les classiques de l’historiographie française (de Pierre Brocheux, qui signe la courte préface, à Jacques Dalloz ou Philippe Devillers) et, outre les ouvrages en vietnamien, un grand nombre d’articles dans cette langue publiés sur les forums ou les sites Internet des diasporas dans les années 2000 et 2010. Ces articles sont une mine d’or que beaucoup de chercheurs occidentaux n’examinent pas dans les détails, alors qu’ils regorgent d’informations et de témoignages intéressants dès lors qu’on en fait un traitement dépassionné.

Non seulement le livre de Nguyễn Ngọc Châu place la focale sur les Vietnamiens, tous les Vietnamiens, mais on sent au fur et à mesure de la lecture le patriotisme de l’auteur. Ainsi, même si son père et lui étaient des hommes du Sud qui se sont investis dans la RVN, il a par exemple une vision assez distanciée des luttes de pouvoir au Nord en 1945. Il n’accable pas le Viêt Minh, mais propose à la place une liste des partis politiques vietnamiens actifs des années 1920 jusqu’au milieu des années 1940 (p. 157-162), avant de montrer que la concurrence entre les partis était rude et qu’aucun d’entre eux n’avait le monopole de l’anticolonialisme : le triomphe du parti communiste est le fait de son habileté manœuvrière. Ce patriotisme se lit encore dans le choix du découpage chronologique : dire que 1858-1954 est une seule et même guerre, c’est mettre l’accent sur le fait que, même si les résistants changent de visage entre le mouvement du Cần Vương et la Révolution d’août, l’ennemi des Vietnamiens est toujours le colonialisme français. Cela sous-tend une unité des « Vietnamiens » (on les appelait alors les « Annamites ») en tant que nation dès le xixe siècle, ce qui, au-delà de la proclamation d’un Viêt Nam unifé par l’empereur Gia Long, peut être discuté, mais c’est un parti pris assumé.

La quatrième de couverture promet une réponse à plusieurs grandes questions : Pourquoi y a-t-il eu répression des chrétiens qui a justifé officiellement l’intervention des Français en 1858 ? Qu’a apporté la France à ce pays devenu une colonie d’exploitation ? Hồ Chí Minh a-t-il été plus « nationaliste que communiste » comme le pensent certains ? Comment Ngô Đình Diệm a-t-il été choisi par Bảo Đại en 1954 ? Le récit historique proposé par cet ouvrage ofre effectivement des réponses à chacune de ces interrogations isolées ; il retranscrit les événements dans une écriture fluide et concise. Bien sûr, l’objectif n’était pas de faire une réfexion érudite sur un phénomène particulier. Le lecteur univesitaire trouvera peut-être que l’on passe un peu vite sur certains détails, mais M. Châu réussit néanmoins à proposer une explication convaincante de chacun des points chauds de l’histoire évoqués ci-dessus. On notera ainsi l’attention portée au rôle de Lý Thụy, l’un des pseudonymes de Hồ Chí Minh, dans l’arrestation de Phan Bội Châu en Chine en juin 1925 (p. 63) ou de l’après-midi du 29 avril 1955 à Saïgon, lorsque Diệm convoqua tous les partis au palais présidentiel, se retira pour laisser les représentants délibérer, et réussit enfn à la fn de la séance à prendre le meilleur sur les manœuvres de Bảo Đại jusqu’à pouvoir envisager de le faire destituer, ce qui fut le cas avec le référendum du 23 octobre 1955.

Le livre apporte enfn quelques éléments proprement nouveaux, ou pour le moins assez rares pour être soulignés. C’est le cas, par exemple, sur les éditions Minh Tân, sises à Paris dans les années 1950, qui ont joué un rôle important pour les études vietnamiennes en publiant, entre autres, la thèse du philosophe Trần Đức Tảo et les ouvrages de Hoàng Xuân Hãn, polytechnicien et ministre de l’Éducation du gouvernement Trần Trọng Kim en 1945, intitulés La Sơn Phu Tử (Le maître de La Son, 1952) et Chinh phụ ngâm bị khảo (Étude sur le poème Le chant d’une femme de guerrier, 1953). Idem pour les groupes secrets d’intellectuels en exil qui gravitaient autour du père de l’auteur et de cette maison d’éditions à l’époque. Ou sur le « Bloc Économie Finance » (p. 403), politique par laquelle la RVN, après les accords de Paris de 1973, va essayer de faire revenir les jeunes diplômés à l’étranger en leur donnant des postes dans la haute administration, ce dont l’auteur a bénéfcié.

Il serait bien dommage de ne pas lire cette « Histoire politique des deux guerres » sous prétexte qu’elle n’est pas l’œuvre d’un universitaire. Non seulement c’est un complément très utile aux titres récents cités en ouverture de cette recension, mais c’est avant tout un travail sérieux, rigoureux et cohérent, qui est un vrai plaisir de lecture pour les passionnés d’une histoire complexe du Viêt Nam, histoire qu’on n’a pas fni de réexaminer.

Louis Raymond

Revue Défense Nationale

https://www.defnat.com/e-RDN/e-recensions-detail.php?cid=434


par Eugène Berg

C’est une fresque très documentée, s’appuyant sur une connaissance approfondie de son pays natal, comprenant de nombreux noms vietnamiens, écrits dans leur graphie, que livre Nguyen Ngoc Chau, ingénieur diplômé de l’ Ecole centrale, ancien enseignant et ancien cadre de banque , qui est revenu travailler au Vietnam en pleine guerre jusqu’à la chute de Saigon.

Avec Le temps des Ancêtres. Une famille vietnamienne dans la traversée du XXème siècle, (L’Harmattan, 2018), Nguyễn Ngọc Châu nous avait proposé une saga familiale. Celle-ci nous avait conté une histoire « d’en bas ». Châu ne pouvait pas s’arrêter là et il a éprouvé le besoin d’écrire une histoire « d’en haut »… sous le titre Việt Nam Histoire politique des deux guerres 1858-1954 et 1945-1975.L’apport nouveau de ce livre se trouve dans la seconde moitié de l’ouvrage : chapitre 11 à 18 . Ces pages mettent fin à un non-dit de l’historiographie du Vietnam à savoir les tentatives d’édifier un État authentiquement vietnamien mais distinct, différent et opposé à celui qui fut proclamé le 2 septembre 1945 à Hanoi par les communistes vietnamiens sous le couvert de l’union nationale. En effet le père de l’auteur , polytechnicien , ingénieur des Ponts et Chaussées, puis titulaire d’un diplôme de médecine aurait pu être amené à présider les destinées du Vietnam d’après 1954. Ce Nguyễn Ngọc Bích faisait partie d’un groupe secret d’intellectuels – pour la plupart des technocrates formés et résidant en France , animé par la volonté d’offrir au pays une issue autre que celle de la guerre, celle développer les deux parties du pays pour rattraper le retard sur ses voisins et éviter de dépendre de la Chine, le vrai ennemi de toujours: négociations Nord Sud pour une coopération économique et commerciale avant une unification pacifique dans le long terme lorsque les conditions seraient devenues favorables. Une coopération commerciale et économique pourrait aider à rendre les deux parties du pays moins dépendantes de l’étranger. Le Nord Việt Nam avait un vrai problème d’approvisionnement en riz, n’ayant plus accès au grenier à riz du Sud. Les circonstances ne le permirent pas . Etaient -elles même possible ? Tant que le Vietminh menait un « juste « combat de libération nationale, puis se levait contre l’impérialisme américain il était paré de toutes les vertus. Mais la tragédie du Cambodge, l’odyssée de boat people, lorsque des milliers de Vietnamiens cherchaient à fuir leur pays au péril de leur vie, commença à relativiser bien des choses.

Aujourd’hui près d’un demi -siècle après ces épreuves, peut -on apporter un regard plus ample sur ce siècle et demi d’histoire vietnamienne qui fut aussi largement celle de la France ? Le pari était risqué, mais l’auteur l’ a relevé, sans se départir de ses convictions. Son livre, retrace donc les deux grandes guerres vécues par le Viêt Nam de 1858 à 1975. La période semble éloignée, mais il s’agit de la guerre la plus longue du siècle, et la plus meurtrière de sa seconde partie, ayant engagé au total des millions de combattants. Si les périodes française ( 1945- 1954), puis surtout américaine ( 1956 – 1975) sont bien connues, ayant donné lieu à des centaines d’ouvrages, et de films, en revanche la période d’avant la Seconde guerre mondiale est largement méconnue, ce qui est bien dommage s’agissant de cette « perle « de la colonisation française qui a donné lieu à bien des œuvres, littéraires, comme celle de Marguerite Duras. L’intérêt du livre repose sur des développements détaillés qui permettent de cerner au plus près ce qui est réellement arrivé. Les événements sont souvent complétés par des paroles des personnages qui y interviennent. On y trouvera des réponses aux questions telles que : pourquoi y a-t-il eu répression des chrétiens qui a justifié officiellement l’intervention des Français en 1858 ? Qui sont les Hòa Hảo, qui sont les Cao Đài ? Comment le communisme s’est-il constitué dans le pays ? Hồ Chí Minh était-il « plus patriote que communiste » comme le pensaient certains ? A- t-il accepté que le pays devienne un État de l’Union Française telle que envisagée en mars 1946 lors de la Conférence de Fontainebleau par les Français? Quel a été le rôle du Général de Gaulle dans le retour des Français en Indochine en 1945? Qu’a-t ’il discuté avec le Prince Duy Tân le 14 décembre 1945 ? Ce dernier épisode, mal connu, aurait pu orienter l’avenir du Vietnam dans une tout autre direction, comme un pays associé à la France s’acheminant peu à peu vers une indépendance qui n’aurait pas été une rupture, évitant certainement des millions de morts !Comment les accords de Genève de 1954 ont-ils été signés ? Comment Ngô Đình Diệm a-t-il été choisi par Bảo Đại en 1954 ? Le Việt Nam n’a-t-il pas raté l’occasion d’évoluer autrement cette année-là, dans la paix et non la guerre? Quel a été le jeu des Américains dans la seconde guerre ? Comment les nationalistes ont-ils été vaincus par les communistes ?

La première guerre de l'histoire contemporaine de ce pays, la «guerre d’indépendance», était placée dans le contexte d'une lutte contre le colonisateur français qui l’avait envahi pour, selon ce dernier, mettre fin à la répression des chrétiens et obtenir son ouverture au commerce, comme ce fut la cas à l’époque au Japon et en Chine avec le Traité de Nankin de 1842. En fait l’objectif de la France était d’obtenir, à son tour, un territoire sur sa route entre l’Inde et la Chine, comme en possédaient déjà ses concurrents britanniques, portugais, espagnols et hollandais. L’opposition multiforme, combinant revendications pacifiques et résistances armées, devint une véritable guerre qui aboutit quatre vingt-seize ans plus tard par le départ de la France. Entre-temps, les idées en provenance de l’Est ( n’oublions pas qu’Ho Chi Minh, participa au Congrès de Tours en décembre 1920 qui vit la scission de la SFIO et la naissance du Parti communiste français) comme de l’Ouest avaient fini par influencer fortement la société vietnamienne, et à la guerre contre l’envahisseur, s’ajouta une autre, celle-là civile, tout au plus autant sinon plus violente encore. Les accords de cessez-le-feu signés à Genève le 21 juillet 1954 – imposés par les grandes puissances – mirent fin à la «guerre d’indépendance» et divisèrent le Việt Nam en deux, la République Démocratique du Việt Nam de régime marxiste-léniniste au nord du 17e parallèle et l’État du Việt Nam de régime démocratique au sud du même parallèle.

La deuxième guerre, « la guerre idéologique », ou « la guerre Nord Sud », entre Vietnamiens communistes et Vietnamiens nationalistes, prit forme dès août 1945 avec le massacre de nationalistes connus (Phạm Quỳnh, Bùi Quang Chiêu, Ngô Đình Khôi, ...) par les communistes, alors que la « guerre d’indépendance » entre Français et Vietnamiens n’était pas encore débutée. Après les accords de Genève de 1954, les communistes vietnamiens, qui venaient de gagner la bataille de Điện Biên Phủ contre les Français, frustrés de ne pas pouvoir aller jusqu’à la victoire totale pour reprendre l’intégralité du pays, n’aspiraient qu’à réunir celui-ci sous leur direction. Les accords d’armistice, signés le 21 juillet 1954, consacraient en effet le départ des Français du nord du Vietnam (Tonkin) et la division du Viêt Nam en deux, la limite étant le 17e parallèle : la République démocratique du Viêt Nam au nord, communiste, le centre et le sud sous administration française. Ils avaient été âprement mais rapidement négociés, laissant donc des zones d’ombre. Ces accords se présentaient sous la forme complexe d’une série de textes. Trois accords relatifs à la cessation des hostilités au Vietnam, au Laos, et au Cambodge, signés par les commandants en chef des trois armées et d’autre part une déclaration finale au nom des neuf puissances participantes sur le problème du rétablissement de la paix en Indochine, assortie de 6 déclarations unilatérales émanant des gouvernements cambodgien, laotien, et français en date du 21 juillet. La conférence s’acheva sans qu’aucun ministre ne signe un quelconque document, car Washington et Saigon ont refusé de s’y associer. Les Etats -Unis ne voulant pas le faire aux côtés de la Chine, Saigon entendant protester contre le fait que la convention militaire n’avait été signé que par les commandants français et nord vietnamien, ce qui augurait bien mal de l’avenir du Vietnam. Sur le plan militaire, les accords du 21 juillet prévoyaient la cessation des hostilités, la séparation des combattants, leur regroupement et la libération des prisonniers et des internés civils, tâche confiée aux commissions mixtes d’armistice. En outre fut créée une Commission internationale de contrôle pour les trois pays, sorte d’instance d’appel et de supervision. Des élections prévues pour juillet 1956 devaient permettre la réunification. Ngô Dinh Diem, nouveau Premier ministre du Vietnam du Sud, et les États-Unis refusèrent de signer la déclaration finale les États-Unis s'engageant pour leur part à ne pas recourir à la force pour remettre en cause les armistices. En raison du refus de Saigon de coopérer avec elle, la CIC cessa de fonctionner à la fin avril 1956

Les Vietnamiens du Nord montèrent alors un Front de Libération ( FLNSV) antigouvernemental dans le Sud et y envoyèrent du matériel et des troupes pour mener, d’abord une guerre subversive visant à déclencher un hypothétique soulèvement de la population– puis, une guerre généralisée de conquête classique. Les États-Unis, par peur des répercussions futures sur le monde et sur leur propre pays, intervinrent au Việt Nam pour endiguer son développement suivant la « théorie des dominos » : le basculement d’un pays vers le communisme entraînait le basculement des pays voisins, un peu comme dans une file de dominos. La confrontation des deux blocs, d’une part les Vietnamiens communistes soutenus par la Chine Populaire, l’URSS et les pays du Pacte de Varsovie, et d’autre part, les Vietnamiens nationalistes avec l’aide des États-Unis et leurs alliés du monde libre, se prolongera près de vingt ans que l’auteur relate dans les moindres détails. L’affaire du Watergate éroda l’autorité présidentielle américaine et tout l’appareil de Sécurité Nationale.[1] Les débordements au Cambodge, en 1970, au Vietnam, en 1972, conduisirent le Congrès à adopter, le 12 octobre, 1973, en pleine guerre du Kippour, le War Powers Act, [2]qui encadrait la liberté d’action du Président en matière militaire qui ne pouvait plus désormais déployer des troupes à l’étranger au-delà de 60 jours sans l’autorisation du Congrès. Ceci entrava l’action américaine au Vietnam. 1974 – sera pour le Vietnam ce que fut 1948 pour la Chine, l’année du renversement de l’équilibre des forces. Outre le Watergate, la lente agonie de Nixon[3], la crise économique et de l’énergie, le dégoût de l’opinion américaine pour les affaires d’Indochine, sont autant de facteurs qui pèsent lourd dans la balance des forces. Nixon avait demandé une aide militaire de 1,45 milliard de $ ; en août, Gerald Ford, son successeur réitère la demande.[4] La vaste offensive lancée début janvier 1975 par la Vietnam du Nord déferle. Après la prise d’Hué, le 26 mars la « campagne Hô Chi -Minh » est déclenchée. Le 16 avril, Ford ordonne l’évacuation de tous les fonctionnaires américains. Cela aboutit, le 30 avril, à la chute de Saigon. Phnom Penh était tombé, le 17 avril aux mains des Khmers rouges, ouvrant la porte à l’un des grands génocides du siècle[5] qui a tardé à être reconnu par les tribunaux[eberg45@o1] , ainsi qu’à la tragédie des boat people vietnamiens. L’image de l’évacuation des derniers responsables américains et de leurs alliés sud vietnamiens par hélicoptère du toit de l’ambassade américaine figurera parmi les icônes les moins glorieuses de l’histoire américaine de cette fin de siècle. Le 30 avril, le général sud -vietnamien Minh attend le colonel nord -vietnamien pour lui remettre le pouvoir, « Il n’en est pas question lui répond ce dernier. Vous ne pouvez donner ce que vous n’avez pas » .Tchang Kaï -chek, après la victoire communiste en 1949, avait fui à Formose. Nguyen Vân Thiêu, ( 1923- 2001° le 26 avril, en fît de même). Le 23 août, le Pathet Lao évince les autres forces politiques du pouvoir. L’armée américaine ne put intervenir. « Notre drame, national d’abord nous paralysa, puis nous submergea » avoua Kissinger. « La guerre du Vietnam n’a pas été perdue sur les champs de bataille de l’Asie. Elle a été perdue dans les antichambres du Congrès, dans les salles de délibération des sociétés, dans les salles de rédaction des grands journaux et de grands réseaux de télévision. Elle a été perdue dans les réceptions de Georgetown, dans les salons du « beau monde » de New York et dans les amphithéâtres des grandes universités ».

Ces deux “petits” intervalles de 96 années – guerre d’indépendance (1858-1954) – et de 30 années – guerre idéologique (1945-1975) – firent suite à la longue histoire d'un pays qui existe en tant qu'Etat constitué depuis déjà de nombreux siècles, un pays, peuplé aujourd’hui de plus de 100 millions d’habitants, qui veut combler son retard et accéder à la modernité technologique.

Eugène Berg

[1] Dans un télégramme daté du 23 juin 1975, l’ambassadeur de France en Thaïlande rendait compte de la tragédie, qui s’était déroulée à huis clos, les Khmers rouges, ayant coupé toute communication avec l’extérieur : il relate le témoignage du général Sor Buon, ancien chef des transmissions de l’armée cambodgienne (FANK), qui a « vécu une expérience exceptionnelle en réussissant après 39 jours de marche sur près de 600 km, de Phnom Penh à la frontière nord du Cambodge, à échapper aux Khmers rouges et à se refugier en Thaïlande ».

[2] Dans les derniers jours de Nixon, les journalistes Bob Woodward et Carl Bernstein, écrivent qu’Alexandre Haig devenu son chef de cabinet, ordonna aux médecins de retirer au président ses somnifères ; puis il l’amena à envisager son retrait avant la fin de son mandat.

[3] Dans les derniers jours de Nixon, les journalistes Bob Woodward et Carl Bernstein, écrivent qu’ Alexandre Haig devenu son chef de cabinet , ordonna aux médecins de retirer au président ses somnifères ; puis il l’amena à envisager son retrait avant la fin de son mandat.

[4] Le Vietnam au XX è siècle, Pierre -Richard Ferray, PUF, p.253.

[5] Dans un télégramme daté du 23 juin 1975, l’ambassadeur de France en Thaïlande rendait compte de la tragédie, qui s’était déroulée à huis clos, les Khmers rouges, ayant coupé toute communication avec l’extérieur : il, relate le témoignage du général Sor Buon, ancien chef des transmissions de l’armée cambodgienne, ( FANK) qui a « vécu une expérience exceptionnel en réussissant après 39 jours de marche sur près de 600 km , de Phnom Penh, à la frontière nord du Cambodge, à échapper aux Khmers rouges et à se refugier en Thaïlande


[eberg45@o1]

Dans un ouvrage fouillé et profond, Nguyen Ngoc Chau livre une analyse de l’histoire politique récente de son pays qui fait la part belle au temps long. De l’intervention française de 1858 au bourbier américain qui se termine en 1975, un livre somme pour mieux comprendre l’histoire du Viêt Nam.

Si la mémoire de la guerre d’Algérie ne cesse de tarauder notre conscience nationale, plaie encore non entièrement colmatée, il n’en est pas de même pour la guerre du Vietnam, ce conflit éloigné qui s’est déroulé sous les tropiques, et n’a mobilisé que l’armée professionnelle, à peine sortie de la Seconde guerre mondiale. Après le traumatisme de Dien Bien Phu, les accords de Genève, du 22 juillet 1954, qui ont divisé de facto, une des perles de la colonisation française en deux , la classe politique, comme la population se sont largement désintéressées du Vietnam. Avant que les Etats -Unis, malgré les énormes moyens déployés ne s’y enlisent à leur tour. Le Vietnam est devenu alors la cause sacrée d’une large partie de la jeunesse occidentale, qui s’est mobilisée contre l’impérialisme yankee, jetant un voile pudique sur le caractère répressif du régime communiste.

Penser le temps long

Il faut donc saluer la fresque très documentée, qui s’appuie sur une connaissance approfondie de son pays natal, comprenant de nombreux noms vietnamiens, écrits dans leur graphie, que livre Nguyen Ngoc Chau, ingénieur diplômé de l’Ecole centrale, ancien enseignant et ancien cadre de banque, qui est revenu travailler au Vietnam en pleine guerre jusqu’à la chute de Saigon. La première originalité se son livre est qu’il replace l’histoire du Vietnam dans la longue durée depuis 1858. Si les périodes françaises (1945- 1954), puis surtout américaine (1956 – 1975) sont bien connues, ayant donné lieu à des centaines d’ouvrages, et de films, en revanche la période d’avant la Seconde guerre mondiale est largement méconnue, ce qui est bien dommage s’agissant de cette « perle » de la colonisation française qui a donné lieu à bien des œuvres, littéraires.

Nguyên Ngoc Châu consacre des développements détaillés qui permettent de cerner au plus près ce qui est réellement arrivé. Le lecteur y trouvera des réponses aux questions telles que : pourquoi y a-t-il eu répression des chrétiens qui a justifié officiellement l’intervention des Français en 1858 ? Qui sont les Hòa Hảo, qui sont les Cao Đài ? Comment le communisme s’est-il constitué dans le pays ? Hồ Chí Minh était-il « plus patriote que communiste » comme le pensaient certains ? A- t-il accepté que le pays devienne un État de l’Union Française telle qu’envisagée en mars 1946 lors de la Conférence de Fontainebleau par les Français? Quel a été le rôle du Général de Gaulle dans le retour des Français en Indochine en 1945 ? Qu’a-t-il discuté avec le Prince Duy Tân le 14 décembre 1945 ? Ce dernier épisode, mal connu, aurait pu orienter l’avenir du Vietnam dans une tout autre direction, comme un pays associé à la France s’acheminant peu à peu vers une indépendance qui n’aurait pas été une rupture, évitant certainement des millions de morts !

Entre débat historiographique et histoire personnelle

Mais l’apport vraiment original de ce livre se trouve dans ls seconde moitié : chapitre 11 à 18 . Ces pages mettent fin à un non-dit de l’historiographie du Vietnam à savoir les tentatives d’édifier un État authentiquement vietnamien mais distinct, différent et opposé à celui qui fut proclamé le 2 septembre 1945 à Hanoi par les communistes vietnamiens sous le couvert de l’union nationale. C’est un chapitre complétement oublié, les perdants n’ayant pas le droit à la parole. Mais peut-être que le Vietnam aurait pu emprunter une tout autre voie, qui lui aurait épargné des millions de morts ! En effet le père de l’auteur, polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées, puis, condamné à mort, gracié, titulaire d’un diplôme de médecine après son exil en France aurait pu être amené à présider les destinées du Vietnam d’après 1954.

Nguyễn Ngọc Bích , dont il s’agit, faisait partie d’un groupe secret d’intellectuels – pour la plupart des technocrates formés et résidant en France , animé par la volonté d’offrir au pays une issue autre celle de la guerre, celle de développer les deux parties du pays pour rattraper le retard sur ses voisins et éviter de dépendre de la Chine, le vrai ennemi de toujours : négociations Nord-Sud pour une coopération économique et commerciale avant une unification pacifique dans le long terme lorsque les conditions seraient devenues favorables. Une coopération commerciale et économique pourrait aider à rendre les deux parties du pays moins dépendantes de l’étranger. Le Nord Việt Nam avait un vrai problème d’approvisionnement en riz, n’ayant plus accès au grenier à riz du Sud. Les circonstances ne le permirent pas. Etaient -elles même possible ? C’est la ligne dure des deux côtés qui triompha Tant que le Vietminh menait un « juste » combat de libération nationale, puis se levait contre l’impérialisme américain il était paré de toutes les vertus. Mais la tragédie du Cambodge, l’odyssée de boat people, lorsque des milliers de Vietnamiens cherchaient à fuir leur pays au péril de leur vie, commença à relativiser bien des choses…

La première guerre de l’histoire contemporaine de ce pays, la « guerre d’indépendance », était placée dans le contexte d’une lutte contre le colonisateur français qui l’avait envahi pour, selon ce dernier, mettre fin à la répression des chrétiens et obtenir son ouverture au commerce, comme ce fut le cas à l’époque au Japon et en Chine avec le Traité de Nankin de 1842. En fait l’objectif de la France était d’obtenir, à son tour, un territoire sur sa route entre l’Inde et la Chine, comme en possédaient déjà ses concurrents britanniques, portugais, espagnols et hollandais. L’opposition multiforme, combinant revendications pacifiques et résistances armées, devint une véritable guerre qui aboutit quatre-vingt-seize ans plus tard par le départ de la France. Entre-temps, les idées en provenance de l’Est (n’oublions pas qu’Ho Chi Minh, participa au Congrès de Tours en décembre 1920 qui vit la scission de la SFIO et la naissance du Parti communiste français) comme de l’Ouest avaient fini par influencer fortement la société vietnamienne, et à la guerre contre l’envahisseur, s’ajouta une autre, celle-là civile, tout au plus autant sinon plus violente encore. Les accords de cessez-le-feu signés à Genève le 21 juillet 1954 – imposés par les grandes puissances – mirent fin à la « guerre d’indépendance » et divisèrent le Viêt Nam en deux, la République Démocratique du Việt Nam de régime marxiste-léniniste au nord du 17e parallèle et l’État du Việt Nam de régime démocratique au sud du même parallèle.

La deuxième guerre, « la guerre idéologique », ou « la guerre Nord Sud », entre Vietnamiens communistes et Vietnamiens nationalistes, prit forme dès août 1945 avec le massacre de nationalistes connus (Phạm Quỳnh, Bùi Quang Chiêu, Ngô Đình Khôi, …) par les communistes, alors que la « guerre d’indépendance » entre Français et Vietnamiens n’avait pas encore débutée. Après les accords de Genève de 1954, les communistes vietnamiens, qui venaient de gagner la bataille de Điện Biên Phủ contre les Français, frustrés de ne pas pouvoir aller jusqu’à la victoire totale pour reprendre l’intégralité du pays, n’aspiraient qu’à réunir celui-ci sous leur direction. Les Vietnamiens du Nord montèrent alors un Front de Libération ( FLNSV) antigouvernemental dans le Sud et y envoyèrent du matériel et des troupes pour mener, d’abord une guerre subversive visant à déclencher un hypothétique soulèvement de la population– puis, une guerre généralisée de conquête classique.

Les États-Unis, par peur des répercussions futures sur le monde et sur leur propre pays, intervinrent au Việt Nam pour endiguer son développement suivant la « théorie des dominos » . La lente agonie de Nixon, la crise économique et de l’énergie, le dégoût de l’opinion américaine pour les affaires d’Indochine, sont autant de facteurs qui pèsent lourd dans la balance des forces. Nixon avait demandé une aide militaire de 1,45 milliard de $. La vaste offensive lancée début janvier 1975 par la Vietnam du Nord déferle. Après la prise d’Hué, le 26 mars la « campagne Hô Chi -Minh » est déclenchée. Le 16 avril, Ford ordonne l’évacuation de tous les fonctionnaires américains. Cela aboutit, le 30 avril, à la chute de Saigon. Phnom Penh était tombé, le 17 avril aux mains des Khmers rouges, ouvrant la porte à l’un des grands génocides du siècle qui a tardé à être reconnu par les tribunaux, ainsi qu’à la tragédie des boat people vietnamiens. L’image de l’évacuation des derniers responsables américains et de leurs alliés sud vietnamiens par hélicoptère du toit de l’ambassade américaine figurera parmi les icônes les moins glorieuses de l’histoire américaine de cette fin de siècle.

Le 30 avril, le général sud-vietnamien Minh attend le colonel nord -vietnamien pour lui remettre le pouvoir, « Il n’en est pas question lui répond ce dernier. Vous ne pouvez donner ce que vous n’avez pas ». Tchang Kaï -chek, après la victoire communiste en 1949, avait fui à Formose. Nguyen Vân Thiêu, ( 1923- 2001) le 26 avril, en fît de même). Le 23 août, le Pathet Lao évince les autres forces politiques du pouvoir. L’armée américaine ne put intervenir. « Notre drame, national d’abord nous paralysa, puis nous submergea » avoua Kissinger. « La guerre du Vietnam n’a pas été perdue sur les champs de bataille de l’Asie. Elle a été perdue dans les antichambres du Congrès, dans les salles de délibération des sociétés, dans les salles de rédaction des grands journaux et de grands réseaux de télévision. Elle a été perdue dans les réceptions de Georgetown, dans les salons du « beau monde » de New York et dans les amphithéâtres des grandes universités ».

D’ où la conclusion de l’auteur que chacun appréciera à l’aune de ses convictions : « Suite à la défaite du Sud le 30 avril 1975, environ deux millions de Vietnamiens se réfugièrent à l’étranger où ils devinrent citoyens de pays les plus divers : États-Unis, France, Norvège, Suisse, Israël, etc. Retenons aussi l’allocation suivante du Parti Lao Động à une commémoration du soulèvement des nationalistes à Yên Bái en 1930 : « […] Ne vous méprenez pas sur le fait qu’en commémorant Yên Bái nous applaudissons le nationalisme et admirons pleinement les dirigeants du Parti Nationaliste Vietnamien. Nous devons saisir cette occasion pour exprimer devant tout le peuple que le communisme et le nationalisme sont comme le jour et la nuit et qu’ils ne peuvent pas être ensemble et se combiner. » Ironie de l’histoire, les États-Unis dépensèrent deux cents milliards de dollars, déversèrent des millions de bombes, sacrifièrent plus de 58 000 de leurs « boys » et firent d’innombrables victimes au Việt Nam, pour que ce pays ne devienne pas entièrement communiste – et il… le devint et le resta –. Alors qu’avec la dissolution de l’URSS en 1991, des nombreux pays qui avaient opté pour le régime marxiste-léniniste, il ne resta plus que quatre – Cuba, le Laos, le Việt Nam et la Chine – sans qu’ils eussent à bouger le petit doigt… Et encore, l’échec du système économique communiste fit que ces pays ne conservent encore de cette idéologie que le pouvoir sans partage du Parti. »

Ces deux “courts ” intervalles de 96 années – guerre d’indépendance (1858-1954) – et de 30 années – guerre idéologique (1945-1975) – firent suite à la longue histoire d’un pays qui existe en tant qu’Etat constitué depuis déjà de nombreux siècles, un pays, peuplé aujourd’hui de plus de 100 millions d’habitants, qui veut combler son retard et accéder à la modernité technologique.

Eugène Berg


AEJJR (Association des anciens élèves du Lycée Jean-Jacques Rousseau/Chasseloup Laubat de Saigon)

https://drive.google.com/file/d/1dgTdnK72TjAaQxE_zRw7xWwbdFjuqFgT/view?usp=sharing


par Georges Nguyen Cao Duc

Nous croyons bien connaître les évènements du Viet Nam, de par les épreuves diverses que chacun de nous a connu dans sa jeunesse, et que nous vivions ou non au pays natal. Il s’agit d’une erreur commune aux habitants de pays ayant connu la guerre. Et nous mélangeons souvent aspects évènementiels et aspects politiques, même si les premiers sont bien souvent fonction des seconds. Un livre nouvellement paru nous permet de redresser cette vision.

Au fil des pages de l’ouvrage, on s’aperçoit graduellement du passage de la seule lutte pour le respect initial du Traité de Protectorat ouvertement violé par la France, à ensuite la lutte pour l’indépendance, au sein de laquelle vont se dresser un courant nationaliste contre un courant communiste. Cent quatre-vingt pages de l’ouvrage ont été consacrées à à la lutte pour le respect des accords initiaux, puis la lutte pour l’indépendance une fois la voie monarchique conciliante devenue sans issue.

Cette première partie n’est certainement pas la moins intéressante car elle éclaire l’impuissance de la voix – et la voie - monarchique (les dernières grandes révoltes sont matées dès le début des années 1900 et Duy Tân dernier monarque rebelle sera détrôné et exilé en 1916), et la violence croissante des revendications vietnamiennes face à la France. L’enseignement (pages 99 et ultérieures) est un exemple bien analysé dans le livre, car le Gouvernement Général de l’Indochine tenta dans les faits de contrôler l’accès à l’enseignement secondaire et supérieur qui aurait généré une classe de Vietnamiens bien instruits donc frustrés par la possession des responsabilités par des Français moins diplômés. Et frustration il y eut effectivement, avec pour conséquence un fourmillement de partis nationalistes dès les années 1930 (pages 153 et ultérieures).

Avec le chapitre VII (« Les Français sont de retour »), l’auteur aborde la lutte désormais ouverte entre les courants nationaliste et communiste. Au gré des pages défilent des cas de retournements de veste de part et d’autre, chacun des partis politiques s’affichant au gré du vent international ou local avec tel ou tel allié, fût-il ennemi mortel en puissance ou dans les faits. La section très riche dédiée aux Accords de Genève de 1954 est plus qu’utile : c’est la Chine qui a effectivement imposé ces accords au courant communiste vietnamien, leur permettant de contrôler le pays du 17è parallèle jusqu’à la Chine, et non pas à partir du 13è parallèle : les Chinois ne voulaient pas d’un Viet Nam fort, même communiste, et Chou En Lai avait même suggéré la présence d’une représentation diplomatique sud-vietnamienne à Pékin en 1954. Présage – on ne pouvait le deviner – de la guerre sino-vietnamienne des années 1980 et de l’emprise croissante et effective de la Chine sur le Viet Nam depuis une décennie. De même, l’auteur a rappelé que les Accords de Genève n’avaient pas d’effet légal contraignant, car nullement signés, et la Déclaration Finale de Genève ne fut signée par aucun pays participant.

L’auteur de ce livre nous a étonné initialement en présentant non point la guerre du 20ème siècle mais également une guerre d’un siècle, celle de 1858 à 1954, celle durant laquelle le Viet Nam fut contrôlé par la France. Et Nguyễn Ngọc Châu, un des anciens présidents de notre association, se veut narrateur du seul aspect politique des deux guerres, celle d’un siècle et celle de 30 ans au vingtième siècle. Il n’a pas tort car 1975 a représenté la phase ultime d’une lutte pour l’indépendance débutée dès l’intrusion française de 1858, gagnée en 1954, et dévoyée en 1975 par la victoire d’un des 2 courants indépendantistes sur l’autre. Dévoyée car c’est l’idéologie du vaincu qui a finalement prévalu, sous une couverture purement cosmétique.

Je m’en voudrais d’aller plus loin dans les détails de l’ouvrage car je tiens pour honnête de vous dire que l’ouvrage se doit d’être dans votre bibliothèque en dépit de quelques imperfections de style – l’auteur est un ingénieur et je suis un littéraire. Les dizaines de noms de personnages politiques (et de partis) connus sont bien là, l’arrière-plan diplomatique également. Et quelques aspects poignants de la fin du livre n’empêchent en aucune façon de discerner la tendance politique claire actuelle alors que les 2 guerres politiques évoquées par l’auteur sont du passé: le courant communiste vietnamien n’ayant effectivement pas pu imposer son idéologie erronée, bien au contraire et tout comme la Chine qui l’a aidé mais également freiné , voit cette dernière tenter de l’assujettir graduellement de nos jours. La guerre n’est que l’expression ultime de la politique, expression connue...

Aejjrsite.free.fr Magazine Good Morning 7 juillet 2019 © D.R. G. Nguyễn Cao Đức

Encore un livre sur les guerres du Viet Nam ? Beaucoup a été écrit sur elles, et par les plus prestigieux historiens. Que va nous apporter ce nouveau document écrit par surcroît par un non spécialiste ?

L'auteur l'a précisé, il voulait retransmettre à ceux qui sont intéressés par le Viet Nam et en particulier aux nouvelles générations issues de Vietnamiens établis hors de leur pays la connaissance de l'histoire passée, en essayant d’y intégrer le plus possible ce qu'il avait pu découvrir de plus de 150 documents et autres sources en Français, en Anglais et en Vietnamien. L'histoire reracontée n'est pas toujours complète, des parties ne s'y trouvent pas, parce que le sujet ne s' y prête pas, ou par omission volontaire, par ignorance ou par méconnaissance. Et l'histoire de son pays présentée par un Vietnamien avec son cœur ne pouvait qu’être original.

Le livre se présente sous la forme d'un fresque, d’ une succession d’évènements – autant de petites histoires qui se lisent avec plaisir quand il ne s’agit pas de sujet ennuyeux. Parmi elles, celle inédite de 1925 en Chine montrait que Hồ Chí Minh savait parfaitement ce qu' il faisait. Celle sur les partis politiques en 1945 faisait plus qu’ en parler, elle en dressait la liste. Celle du chapitre XI qui concerne le propre père de l’auteur est une révélation. Celle du 30 avril 1975 de Raoul Coutard a forme de symbole : elle marque la fin de l’épopée de la République du Viet Nam.

La guerre d'Indochine était une guerre des Français. La France voulait récupérer l'Indochine perdue aux mains des Japonais en 1945 et en faire des États sous sa tutelle dans le cadre de l'Union Française. Elle faisait cependant partie d’ une toute autre guerre, plus complexe, celle que les Vietnamiens appelaient la guerre d'indépendance. Cette guerre - des Vietnamiens, cette fois ci - hors la période de la guerre d’Indochine, est souvent méconnue. Les colonisateurs la considéraient comme des pillages de bandits ou de pirates qu’il fallait pacifier et ignoraient les multiples revendications qui leur avaient été présentées. L'auteur ne voulait pas qu'on l'oublie, parce qu’elle était une réalité et par devoir de mémoire.

Les noms de ces patriotes qui, individuellement ou en groupe, s’étaient levés pour réclamer leur droit d’exister et de se gouverner eux-mêmes, ne peuplent-ils pas les rues des villes du Viet Nam quelqu'en soit le régime ?

L'auteur l’avait-il fait exprès ? Au fur et à mesure qu'on avance dans la lecture de cet ouvrage de 462 pages, on voit se dégager un message. Ho Chi Minh et les communistes n'avaient pas l'exclusivité de l'amour de la patrie. Des Vietnamiens autres qu'eux, de la première guerre cités ci dessus autant que de la seconde, étaient aussi passés par des larmes, du sang et du sacrifice, pour cette même patrie, à leurs manières, suivant leurs propres idéaux. Ils visaient aussi construire pour eux et leurs descendants un futur selon leurs convictions qu'ils espéraient pouvoir durer.

La préface de Pierre Brocheux se dístingue dans ce sens en expliquant « Cette histoire-témoignage étaye, sur plusieurs points, la vision d’un Sud Vietnam réel. Sachons gré à Châu de l’avoir fait » .

L'auteur se devait peut-être d'en parler. Plusieurs membres de sa famille des deux côtés maternel et paternel étaient tombés en combattant les Français dans la première guerre sans être pour autant membre du parti communiste vietnamien. Son père ancien commandant adjoint d’une des trois zones Viet Minh du Sud avait même décliné l'invitation de ce parti de le rejoindre. Et lui-même, était revenu travailler à Sài Gòn où il est né après ses études en France, en pleine seconde guerre.

Cet ouvrage est un livre de références tant les évènements sont exposés avec soin. Il mérite d'être présent dans la bibliothèque de tous ceux qui ont un faible pour ce pays qui a vécu toute cette période troublée.

Paris le 05/11/2020

LKT (Lão Không Tên Không Tử)

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3. Préface de P Brocheux

Préface

Avec Le temps des Ancêtres. Une famille vietnamienne dans sa traversée du XXème siècle, (L’Harmattan, 2018), Nguyễn Ngọc Châu nous a proposé une saga familiale. Celle-ci nous avait conté une histoire « d’en bas ». Châu ne pouvait pas s’arrêter là et il a éprouvé le besoin d’écrire une histoire « d’en haut »… sous le titre Việt Nam- Histoire politique des deux guerres 1858-1954 et 1945-1975. Il revient en partie sur ce qu’il avait écrit en ajoutant quelques nouveautés à la première édition de cette Histoire politique…sortie en juin 2019.

Il donne ainsi plus d’ampleur à son propos en l’approfondissant. En se mettant dans la peau d’un historien, il a mobilisé une documentation plus riche et détaillée.

L’apport nouveau de ce livre se trouve dans la seconde moitié de l’ouvrage : chapitre 11 à 18, p.261 à 428. Ces pages mettent fin à un non-dit de l’historiographie du Vietnam à savoir les tentatives d’édifier un État authentiquement vietnamien mais distinct, différent et opposé à celui qui fut proclamé le 2 septembre 1945 à Hanoi par les communistes vietnamiens sous le couvert de l’union nationale. Le déni des tentatives de fonder un autre Vietnam formulé dans le vocabulaire dominant des médias et de la propagande politique qui n’était pas limité au seul monde communiste a duré plusieurs années, au moins deux décennies.

Pour avoir été acteur et avoir participé au fonctionnement de l’état dit sudiste qui n’était ni fantôme ni fantoche ni valet, Nguyễn Ngọc Châu apporte une note personnelle. Cette histoire-témoignage étaye, sur plusieurs points, la vision d’un Sud Vietnam réel. Sachons gré à Châu de l’avoir fait.

Pierre Brocheux (1)

Historien

(1) Le professeur historien Pierre Brocheux a enseigné au lycée français de Sài Gòn et à l'Université Paris 7. Spécialiste internationalement reconnu de l'histoire de l'Asie du Sud Est, de l'Indochine et du Việt Nam, il est l'auteur ou co-auteur de nombreux ouvrages dont Histoire de l'Asie du Sud Est/Révoltes, Réformes, Révolutions (Éd. Presses Universitaires de Lille, 1981); The Mekong Delta. Ecology, Economy and Revolution, 1860-1960 (The University of Wisconsin Press, Madison, 1995 et 2005). Il a écrit Ho Chi Minh (Presses de Sciences Po, 2000); Indochine, la colonisation ambiguë 1858-1954 avec Daniel Hémery (Éd. La Découverte, 1995 et 2001); Ho Chi Minh, du révolutionnaire à l'icône, (Éd. Payot, 2003, ); Une histoire économique du Viet Nam : La palanche et le camion 1850-2009 (Éd. Indes savantes 2009) ; Histoire du Vietnam contemporain, la nation résiliente (Éd. Fayard, 2011). Il est co-editor avec Gisèle Bousquet et co-author de Vietnam Exposé. French Scholarship on Twentieth Century Vietnamese Society (University of Michigan Press, 2002). Il est publié en anglais par Cambridge University Press en 2007 et par University Press of California en 2009. Il a dirigé et co-écrit Les décolonisations au XXe siècle: La fin des empires européens et japonais (Éd. Armand Colin, 2012).

Il est rédacteur en chef de la Revue française d'histoire d'outre-mer de 1989 à 2001, et co-fondateur et président de l'Association française des chercheurs sur l'Asie du Sud-Est (AFRASE) (1994-1997)

Le “prix Asieˮ lui est décerné par l’Association des écrivains de langue française en 1995; l’Académie des sciences d’Outre-mer lui attribue le “prix Auguste Pavieˮ en 2003; il reçoit en 2018 le prix de la Fondation Phan Châu Trinh pour la Culture (Việt Nam) pour « his outstanding and significant contribution » aux Études vietnamiennes.